Dans la série de l’”éclatement”, nous varions non seulement l’organisation des touches de pinceaux, mais aussi la forme du support et ceci pour plusieurs raisons.
Le premier état reprend l’idée du contour du support, qui s’adapte à la posture du modèle. Ceci afin de renforcer l’expressivité de l’ensemble, de montrer l’essentiel (le modèle), d’avoir une homologie qui fasse le lien entre les différents états.

Or il s’avère que le premier état nous a posé le problème de l’intégration de la figure dans son fond; le fond apparaissant proportionnellement important par rapport à l’espace qu’occupe la figure.

Nous avons choisi la délimitation de ce support pour relever une autre problèmatique qui nous est apparue devant des tableaux où les personnages étaient inscrits sur des fonds ne présentant ni architecture, ni paysage, ni intérieur…, mais seulement un empâtement de matière picturale.

Certains de ces fonds isolés sont de véritables peintures abstraites. Cette constatation nous a permis de poser le problème image/matière autrement. Nous avons remarqué que dans notre premier état où nous essayons d’intégrer figure et fond, le fond abstrait nous apparaît déjà comme une peinture abstraite. Mais aussi n’est-il pas considéré comme tel, parce que fond et figure sont réunis.

Toujours dans notre perspective, qui est de séparer sans isoler de l’ensemble les choses, nous avons commencé à redécouper le premier support (notre support de départ) pour avoir plusieurs tableaux différents.

Ces tableaux devaient à la fois être tous différents et en même temps fonctionner comme un tout, c’est-à-dire comme un seul tableau.
C’est ainsi que le deuxième état de la série de l’éclatement nous montre qu’en séparant le fond de la figure, on obtient des tableaux abstraits (quatre dans notre cas) qui tous, cependant, fonctionnent toujours autour de la figure centrale comme fond.

Le troisième état, nous révèle qu’une réorganisation des gestes picturaux, rapproche même la figure centrale de l’abstraction. C’est ici qu’on voit l’importance de la découpe de la forme centrale. Proche de la silhouette du corps humain, la découpe du support évoque toute l’expressivité formelle que l’état numéro deux évoque par la représentation.
C’est l’état numéro trois qui fonctionne le mieux pour ce qui est de l’ expression. La suggestion de la représentation, la division accentuée des couleurs, la stylisation, nous rendent le mieux l’expression de l’éclatement.

Le quatrième état nous suggère toujours la forme centrale par la configuration des découpes. Mais, c’est dans la continuité de la lecture que nous savons qu’il y a eu représentation. La seule représentation qui subsiste, c’est celle des figures géométriques que nous avons obtenues par séparation successive. Là, l’abstraction est évidente, mais la figuration y est toujours suggérée par l’ emplacement de départ que nous avons maintenu constant. Une réelle abstraction, qui serait à l’opposé de la forme de départ, serait une place laissé vide (dans la salle d’exposition) après le quatrième état.

Mais là encore, de par nos mécanismes de perception, de par notre mémoire et de par l’effet de rémanence nous serions tentés de voir les figures précédentes. C’est ainsi que nous essayons de regrouper réalisme et abstraction, figuration et non-figuration, de reprendre la polémique de notre époque de proposer aux partisants de l’abstraction et aux partisants de la représentation une peinture où les deux coexistent.