Quels sont les rapports entre la réflexion théorique et la démarche plastique?
Quelle est l’utilité de cette recherche?
Quand nous sommes devant un tableau réaliste nous sommes forcément amenés à nous interroger sur ce qui produit l’effet réel.
Nous avons devant nous deux choses:
À la fois la matière nous révèle l’illusion d’une présence qui n’est pas matérielle et en même temps, aux dépens de l’illusion, cette même matière se montre elle-même.
Au départ, nous avons observé dans un même tableau à la fois l’image et l’assemblage de matière qui produit l’image. Puis, nous avons continué notre approche en comparant le rapport entre image et matière (conscience imagée par rapport à la conscience perceptive) au rapport sémiologique connotations et dénotations.
Or il s’avère qu’il nous est impossible de dissocier dans chacun de ces rapports les deux concepts. En effet, lorsque nous regardons une peinture où est représenté un personnage nous voyons ou bien le personnage ou bien alors le support matériel sur lequel, lorsque nous nous approchons, le personnage commence à disparaître pour montrer l’illusion (l’apparence) à laquelle nous avons été sujet.
Mais à chaque moment, nous avons devant notre tableau été en présence des deux phénomènes: la matière et l’image du personnage que la matière produit (la conscience perceptive qui nous fait voir la matière de l’objet et la conscience imagée qui nous fait voir le personnage; la dénotation qui nous fait voir la matière et les connotations qui nous font voir le personnage).
Alors comment déjouer notre perception et notre connaissance devant ce tableau pour que nous voyons que le personnage n’est “réaliste”, n’existe que comme figure, que parce que la matière qui le constitue a été organisée pour produire cet effet figuratif et « réaliste? Comment montrer à quelqu’un un tableau, où il voit tout de suite simultanément la matière et l’image que cette matière produit, sans que l’une disparaisse aux dépens de l’autre? Ce tableau devra montrer un côté matériologique abstrait; pour qu’ on puisse voir qu’on a bien de la matière devant soi.
Et en même temps sans cacher ou faire oublier le côté matériologique, il devra montrer un côté imagé, figuratif, assez “réaliste » pour qu’on ait tendance à être trompé par l’apparence d’une réalité éphémère.

Le problème n’est pas simple, car comment montrer qu’un tableau est à la fois figuratif et abstrait; figuratif et abstrait étant les deux faces d’une même médaille ?
Pour ce qui est de la médaille, il suffit de couper la pièce en deux, de façon à pouvoir poser les deux faces l’une à côté de l’autre. Ainsi, nous pouvons voir les deux faces opposées en même temps! Par analogie, notre tableau devra se composer de deux tableaux, où l’un montrera la face oppose de l’autre. C’est dans cette optique que nous avons commencé à opérer. Nous sommes donc partis de la réalité, comme l’ont fait les peintres classiques qui cherchaient à faire une peinture réaliste. Nous avons comme eux fait des croquis de corps humains pour retenir des postures intéressantes.
Mais au lieu d’inscrire la posture retenue dans un format rectangulaire donné au préalable, nous avons pensé rendre attentif à ce support et à la figure qui y est représentée.
Dans ce but, nous avons voulu donner une forme particulière au tableau. Il fallait qu’il ait un aspect spécifique et bien caractéristique qui devait avoir un rapport avec la forme de la figure inscrite dessus. En attribuant au support une forme qui correspond aux contours de la figure, de la posture retenue, nous avons contribué à proposer un moyen autre de varier les supports qu’à partir de formes géométriques.
L’harmonie des formes provient de l’harmonie des proportions du modèle (corps humain). L’expression de la forme n’est pas neutre non plus, car elle reprend le caractère de l’expression de la posture retenue.
